
La fin de la croissance
En 1973, les cours du pétrole bondissent de 70 % suite à la décision prise par les producteurs des pays arabes appartenant à l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) de multiplier leurs prix par quatre. Les répercussions en sont une crise énergétique et une récession mondiales, mettant un terme au boom européen.
La croyance de l'Europe occidentale dans une croissance illimitée est réduite à néant, et les industries traditionnelles comme la sidérurgie et l'extraction minière déclinent, tandis que des secteurs nouveaux, technologiques et économiques, émergent. Les pays occidentaux doivent désormais faire face à la dure réalité d'une croissance basse, de l'inflation et du chômage de masse.
La crise énergétique a une influence directe sur la vie quotidienne de la population, forçant la plupart des gouvernements d'Europe occidentale à agir. Des campagnes anti-gaspillage sont organisées et des interdictions de circuler le dimanche sont mises en œuvre pour faire des économies de carburant. La crise souligne douloureusement à quel point les économies occidentales sont dépendantes des importations d'énergie.
Autoroutes vides pendant les dimanches "sans voiture"
Pays-Bas, 1973
Rob Mieremet
Photographie
Nationaal Archief, La Haye (Pays-Bas)

La cohésion sociale est menacée par la récession, en raison du chômage croissant, de l'exclusion et de l'aliénation. Une action coordonnée est engagée en 1978 lorsque plusieurs syndicats organisent la première marche européenne contre le chômage, en donnant ainsi le coup d'envoi de l'européanisation des luttes syndicales et de la prise de conscience d'intérêts transnationaux.
Première marche européenne contre le chômage
Italie, 1978
Affiche Reproduction
International Institute for Social History, Amsterdam (Pays-Bas)

Le "dernier wagonnet à charbon" illustre le déclin d'une industrie lourde établie depuis longtemps au sein de l'Europe capitaliste. Jadis aux avant-postes de l'expansion européenne de l'après‑guerre, cette industrie est progressivement remplacée, dans les années 1970, par celle de concurrents internationaux moins chers comme Taïwan, la Corée du Sud ou le Brésil. Les pays européens se tournent vers le nucléaire pour devenir moins dépendants du pétrole étranger.
Dernier wagonnet à charbon
Allemagne de l'Ouest, 1976
Acier
Westfälisches Landesmuseum für Industriekultur, Bochum, Allemagne

La démocratisation en Europe de l'Ouest
Inspirée par les "révolutions" étudiantes de la fin des années 1960, une nouvelle génération veut des changements et est prête à se battre pour les obtenir. Fatiguée des anciennes attitudes et des manières de faire qui sont en place depuis des décennies, elle demande davantage de droits individuels et une plus grande participation dans la vie politique.
La Grèce, l'Espagne et le Portugal voient leurs dictatures s'effondrer entre 1974 et 1975. Même si les événements à proprement parler sont différents dans chaque pays, tous trois rencontrent l'instabilité politique, la crise économique et des héritages historiques douloureux sur leur voie vers la démocratie. Ils finissent par entrer dans le giron de la Communauté européenne.
Les femmes mettent de plus en plus en lumière la persistance des inégalités entre les sexes tout au long des années 1970. Si la plupart des femmes ont obtenu le droit de vote, elles sont toujours confrontées à la discrimination et à des libertés restreintes dans la vie publique et privée. Le féminisme émerge comme une force active espérant mettre un terme à la domination patriarcale et créer des sociétés réellement fondées sur l'égalité.
L'Avortement. Quand les femmes décideront-elles elles-mêmes?
Belgique, 1976
Couverture de périodique, Reproduction
Institut d'histoire ouvrière, économique et sociale, Seraing, Belgique

En 1974, un coup d'État militaire renverse la dictature au pouvoir au Portugal. Des officiers de l'armée souhaitant mettre en place des réformes démocratiques et économiques et commencer la décolonisation sont, le moment venu, soutenus par la population. Appelés la "révolution des œillets" en raison des fleurs placées dans les fusils des soldats, ces événements essentiellement pacifiques mettent le pays sur les rails de la démocratie.
Révolution des œillets
Lisbonne, Portugal, 25 avril 1974
Eduardo Gageiro
Photographie, Reproduction

De nouveaux mouvements sociaux émergent, les Européens de l'Ouest descendant dans la rue pour défiler sous des bannières défendant l'égalité des genres et les droits des personnes LGBT, la protection de l'environnement et les campagnes en faveur de la paix. Leurs voix s'élèvent pour remettre sérieusement en question la capacité de la démocratie parlementaire à répondre à leurs besoins.
Badges anti-nucléaires
Europe, 1970-1985
Amsab-Instituut voor Sociale Geschiedenis, Gand, Belgique

Le communisme à rude épreuve
Les contradictions entre la propagande communiste et les réalités de la vie quotidienne deviennent de plus en plus évidentes dans les années 1970 et 1980. La stagnation économique remplace une croissance autrefois rapide et la dette écrase les pays.
À la fin des années 1980, les pénuries alimentaires, la surveillance constante, la censure, les restrictions et même les interdictions de voyage en dehors du bloc communiste sont source de frustrations et de tensions, parfois à un point insupportable, parmi les citoyens de ces pays. Ces frustrations joueront leur rôle dans la chute finale du communisme en 1989.
Le dirigeant communiste de la Roumanie, Nicolae Ceausescu, décrivait son régime comme un "âge d'or". Le culte de la personnalité que lui-même et ses fonctionnaires ont bâti autour de sa personne était peut-être l'un des plus excentriques parmi l'ensemble des régimes communistes. Sous Ceausescu, le peuple roumain a souffert de certaines des pires formes de privation et de répression qu'aient connues les pays du bloc de l'Est.
"L'âge d'or" (Nicolae Ceaușescu)
Roumanie, 1965-1989
Deak Barna Peinture Reproduction
Muzeul Național de Istorie a României, Bucarest, Roumanie

Les années 1980 voient la montée de l'opposition polonaise au régime communiste, dans le prolongement des précédentes insurrections de travailleurs, qui ont commencé dans les années 1950. Les travailleurs en grève des chantiers navals de Gdańsk fondent un syndicat libre, appelé Solidarność, qui demande de meilleures conditions de vie et des réformes politiques. Les communistes reconnaissent le mouvement et signent un accord avec ses représentants. En 1981, Solidarność compte près de 10 millions de membres.
Tirelire Soutien à Solidarność
Suède, 1980-1989
Ośrodek Karta, Varsovie, Pologne

En seulement quelques mois en 1989, les peuples d'Europe centrale et orientale ont porté un coup décisif aux régimes communistes dont ils subissaient le joug depuis des décennies. Par un effet domino, ces régimes s'écroulent les uns après les autres, et le Rideau de fer, symbole de la division du continent, se lève.
Poteau et fil de fer barbelé
Frontière austro-hongroise, années 1940-1950
Bois, fil métallique
Haus der Geschichte der Bundesrepublik Deutschland, Bonn, Allemagne

Jalons de l'intégration européenne II
Les relations se sont réchauffées entre le bloc de l'Ouest et le bloc de l'Est. En 1975, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe réunit à Helsinki (Finlande) trente-cinq pays, dont les États-Unis et l'Union soviétique.
Les signataires de la déclaration d'Helsinki se sont mis d'accord sur le respect des droits de l'homme et se sont engagés à coopérer sur la base de la reconnaissance du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États. La Communauté européenne a réussi à faire valoir un dispositif garantissant les droits de l'homme qui, par la suite, a été utilisé par les dissidents pour s'opposer au régime communiste.
Comment définir le marché unique? C'est la mise en place d'une zone économique unifiée permettant la libre circulation des personnes, des capitaux, des biens et des services. Le marché unique européen est l'un des principaux objectifs de la Communauté européenne, et ce depuis sa fondation.
Vous voyez ici la signature d'Aldo Moro, Premier ministre italien et président du Conseil de la Communauté européenne, au bas de la déclaration d'Helsinki. Cette conférence a été la toute première occasion pour la Communauté européenne de parler d'une seule voix et d'affirmer son rôle d'acteur diplomatique majeur sur la scène internationale.
Tampon-buvard pour l'acte final d'Helsinki
Finlande, 1975
Argent
Maison de l'histoire européenne, Bruxelles, Belgique

Le passeport européen institué en 1985 met en exergue les nouvelles possibilités qu'offre la liberté de circulation et témoigne des efforts concrets de la Communauté européenne pour forger un sentiment de citoyenneté européenne.
Passeport danois/Communauté européenne
Danemark, 1994
Collection particulière, Bruxelles, Belgique

1979 – une date historique marquant un nouveau tournant démocratique en Europe avec la tenue des premières élections au Parlement européen au suffrage direct des citoyens des États membres. La composition de cette assemblée n'est désormais plus dictée par les parlements nationaux; c'est la première assemblée internationale élue au suffrage universel direct.
Brochure pour les élections européennes
Royaume-Uni, 1979
Reproduction
Collection privée, Bruxelles, Belgique

Redessiner l'Europe
La carte de l'Europe se transforme une nouvelle fois après 1989, de nouvelles nations émergeant et d'anciennes frontières étant redessinées.
Une Allemagne réunifiée voit le jour pacifiquement en 1990 sous l'œil attentif de la communauté internationale. En revanche, il n'en va pas de même dans l'ancienne Yougoslavie, où des différences ethniques, religieuses et culturelles entraînent d'atroces guerres civiles et un nettoyage ethnique brutal.
Les déclarations d'indépendance de la Slovénie et de la Croatie déclenchent un conflit armé, qui s'étend à la Bosnie-Herzégovine, où les groupes ethniques s'affrontent. Le génocide et le nettoyage ethnique deviennent les terribles attributs d'une guerre qui prend fin en 1995 à la faveur des accords de paix de Dayton. Le président serbe, Slobodan Milosevic, et le commandement militaire serbe auront de nouveau recours au nettoyage ethnique au Kosovo.
Enterrement au Kosovo
Yougoslavie, 1990
George Merillon
Photographie
World Press Photo,
Amsterdam, Pays-Bas

Le 3 octobre 1990, l'Allemagne redevient un seul et même État unifié. L'exode ininterrompu de citoyens de l'Est vers l'Ouest après la chute du mur de Berlin et le résultat de l'élection organisée cette année-là en Allemagne de l'Est, qui témoigne de l'adhésion des citoyens à la réunification, accentuent encore la dynamique du processus. Le traité de réunification fait l'objet d'un accord avec les puissances d'occupation de l'après-guerre – les États-Unis, l'Union soviétique, la France et la Grande-Bretagne.
La réunification fêtée à la porte de Brandebourg
Gilles Leimdorfer
Berlin, Allemagne, 3 octobre 1990
Photographie
AFP/Getty Images

Jalons de l'intégration européenne III
Qu'ils le veuillent ou non, les Européens connaissent une uniformisation de leurs modes de vie, même si la diversité des identités culturelles demeure bien réelle... Soulignons le rôle joué à cet égard par l'ouverture des frontières, la mobilité accrue, l'amélioration des communications, les législations communes et la monnaie unique. On pourrait parler d'"Européanisation".
Aujourd'hui, l'Union européenne est plus unie que jamais, politiquement parlant, mais sur le plan interne, elle demeure marquée par une forte diversité. Que nous réserve l'avenir? L'intégration de l'Europe va-t-elle se poursuivre? Au contraire, assistera-t-on à une nouvelle fragmentation? Les valeurs fondatrices de l'Union – la paix et les quatre libertés – survivront-elles à l'épreuve du temps?
Depuis des années déjà, des responsables politiques, citoyens ou économiques réclamaient la création d'une monnaie unique. Dès 1969, les chefs d'État ou de gouvernement européens envisagent la création d'une union économique et monétaire. Au cours des années 1960 et 1970, des rassemblements publics de soutien à cette initiative sont organisés.
Maquette de pièce d'un euro
Italie, 1965
Maison de l'histoire européenne, Bruxelles (Belgique)

Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, de continent d'émigration, l'Europe devient terre d'immigration. L'immigration régulière soumise à restriction, l'immigration clandestine augmente à partir des années 1980. Des objets échoués sur les cotes tunisiennes sont le symbole tragique des souffrances endurées par les immigrés clandestins.
Chaussure d'enfant mise à l'abri de l'eau
Zarzis, Tunisie
Recueillie par Lihidheb Mohsen
Maison de l'histoire européenne, Bruxelles, Belgique

L'accumulation des plans de sauvetage économiques, des obligations imposées aux contribuables et des mesures nationales d'austérité controversées met à l'épreuve l'adhésion des citoyens au projet européen. L'eurosepticisme et l'hostilité à l'égard de l'Union gagnent du terrain. Les courants nationalistes et d'extrême-droite prospèrent, et dans plusieurs pays, dont la Grèce, la Hongrie et l'Espagne, l'on brûle des drapeaux européens.
Drapeau disant "non" au référendum sur le renflouement de la Grèce
Grèce, 5 juillet 2015
Maison de l'histoire européenne, Bruxelles, Belgique

Le nombre des États membres a plus que doublé depuis la fin de la Guerre froide. En 1995, la Suède, la Finlande et l'Autriche adhèrent à l'Union. Dix autres pays les rejoignent en 2004. En 2007, c'est au tour de la Roumanie et de la Bulgarie d'en faire de même, puis celui de la Croatie en 2013.
Europe, 1957 et 2007
Bruxelles (Belgique), 2007
Pierre Kroll Dessin
Reproduction
Collection Pierre Kroll, Liège, Belgique

L'européanisation, qu'est-ce que c'est? Ce mot désigne le mouvement par lequel tous les États membres de l'Union adoptent et appliquent des dispositions communes qui favorisent la convergence de leurs intérêts et accentuent leurs ressemblances. Prises ensemble, ces dispositions constituent l'acquis communautaire, qui s'est formé par accumulation pendant plusieurs décennies et que les pays adhérant à l'Union européenne doivent incorporer à leur droit national.
80 000 pages de droit de l'Union
Pays-Bas, 2003
Rem Koolhaas
Maison de l'histoire européenne, Bruxelles, Belgique

Mémoire européenne partagée et divisée
Beaucoup de choses ont changé en Europe au cours des 25 années qui se sont écoulées depuis la fin du communisme. Les archives et dossiers, autrefois sous clé, ont été ouverts pour révéler le vécu et le souvenir des personnes qui avaient été victimes de répression. Cela a eu pour conséquence un changement révolutionnaire dans l'interprétation de l'histoire.
Les monuments publics et commémoratifs, les noms de rues, les musées et même les manuels scolaires continuent de faire l'objet de controverses dans le cadre du processus de commémoration ou d'oubli. "Qu'est-ce que la mémoire européenne?" Cette question prend un nouveau sens.
Après 1989, les citoyens rejettent l'interprétation communiste de l'histoire, qui présente l'Union soviétique et l'Armée rouge comme les libératrices d'une Europe soumise au joug des nazis. Pour beaucoup, l'intervention soviétique n'est qu'une occupation de plus. Les statues et les plaques de rue héritées de l'ère communiste deviennent un objet de débat public, sont retirées ou détruites.
Bas-relief du monument dédié à l'armée soviétique, sur lequel on a peint des personnages de la culture pop, avant que ceux-ci ne soient effacés
Sofia, Bulgarie, 2011
Reproduction
Thomson Reuters Corporation, New York, États-Unis
Sofia, Bulgarie, 2015 Reproduction
Maison de l'histoire européenne, Bruxelles, Belgique

Sur cette pièce d'un euro figure le Slovène Franc Rozman, communiste qui s'est opposé avec bravoure à l'occupation nazie de son pays. L'étoile rouge sur sa poitrine – un symbole du communisme – apparaît aux côtés des étoiles de l'Union européenne.
Pièce de 2 euros à l'effigie d'un partisan communiste
Slovénie, 2011 Métal
Maison de l'histoire européenne, Bruxelles, Belgique

L'ouverture de dossiers et d'archives naguère secrets dans les pays de l'après-communisme constitue une étape essentielle dans le processus d'acceptation du passé communiste. Les révélations affluent sur l'ampleur réelle de l'espionnage et de la répression orchestrés par l'État.
Papier mâché à partir de dossiers de la Stasi
Leipzig, Allemagne de l'Est, 1989
Papier Bürgerkomitee Leipzig e.V., Träger der Gedenkstätte
Museum in der "Runden Ecke" mit dem Museum im Stasi-Bunker, Leipzig, Allemagne
